À seulement vingt-trois ans, Marie Sapin s’affirme dans le monde équestre. Après ses années poney avec Justicier de l’Aubel, elle s’illustre aujourd’hui dans les CSI 1 et 2*. Portrait d’une jeune femme dynamique aux ambitions dévorées par la passion. Entre business et sport, elle nous livre une vision immersive de son quotidien dont les chevaux sont les empereurs.
Le cavalier bleu : Quelle a été ta première approche avec les chevaux ?
Marie Sapin : J’ai grandi loin des chevaux, à Paris, avec des parents avocats. Mon frère faisait du poney. J’allais le voir en concours, et je montais un peu quand j’allais en Normandie pendant les vacances. J’avais environ sept ans. Puis j’ai mis le pied à l’étrier avec Jean-Claude Cuirot. Au début, c’était du poney club, mais avec lui on ne perd pas de temps, il nous fait rapidement commencer les compétitions en concours d’entraînement.
L.C.B : Ta première ponette fut Maya de Villiers, ta fidèle. Comment l’as-tu rencontrée ?
M.S : Avec mes amies du poney club, on s’amusait beaucoup à shetlands. Comme tous les gamins, on avait notre petit préféré. Ma chouchou a été vendue, et j’étais tellement triste que je me suis décidée : le prochain jeune poney qui arriverait, je ne le laisserai pas partir ! Puis Maya est arrivée, et elle s’est très vite révélée être une super sauteuse ! À côté des shetlands, je montais aussi à poney D. Un particulièrement : un gris, assez chaud, Justicier de l’Aubel. Je passais de l’un à l’autre, ils étaient inséparables… Jusqu’à partager le même boxe ! Ma mère m’a offert les poneys pour mon anniversaire.
L.C.B : C’est un beau cadeau ! Donc tu as commencé la compétition à cette période là ?
M.S : Oui, jusqu’alors je ne faisais que des concours d’entraînement. Puis monsieur Cuirot, qui partageait la structure avec Mathieu (Billot, ndlr.), est parti pour un gros centre équestre beaucoup plus loin. Du coup, je suis restée chez les Billot et à 13 ans je tournais en circuit poney officiel.
L.C.B : Comment as-tu fait la transition poneys/chevaux ?
M.S : J’ai commencé les compétitions en chevaux avec une jument de Mathieu, Exception du Gonge. C’était une super jument ! Très concours, super chaude, elle ne s’arrêtait jamais. Elle avait treize ans, de très bons classements en Championnats de France Pro 2. Du coup, je faisais les CSI Poney et en parallèle, quelques nationaux et CSI Juniors avec Exception. J’ai monté Exception jusqu’aux 1,40m, puis elle avait un peu d’âge alors je me suis mise à chercher un cheval dans le même style. J’ai trouvé Pimpante de Sohan. J’ai également rencontré Calito, qui était venu d’Allemagne pour faire du cinéma : il avait sept ans et n’avait jamais fait de concours. Trop délicat pour moi, je l’ai confié à Mathieu et ils sont devenus imbattables sur les épreuves de vitesse ! Puis Jean-Michel (le père de Mathieu, ndlr.) m’a trouvé une quatre ans pour l’avenir, Prim, une fille de First de Launay. Mathieu a commencé à la monter dans les cinq ans, et j’ai fait quelques épreuves en six ans avant de commencer les nationaux.
L.C.B : Et maintenant, où en es-tu ?
M.S : Maintenant, j’ai la chance de pouvoir compter sur Fioretta Van’t Eigenlo, que j’avais au travail avant et que j’ai achetée il y a cinq mois. Elle est exceptionnelle et très généreuse. Nous commençons à apprivoiser les 1,45m, mais elles semblent être encore un peu farouches. J’ai aussi Tsar de Kerser. Il est arrivé fin mai, très vert avec un dressage moyen et à peine une dizaine de parcours 1,05-1,10m dans les jambes. Mais il était gentil avec une réelle envie de bien faire. Il réfléchissait et comprenait. Il a rapidement évolué et commence à être à l’aise sur les épreuves 1,30m. Il a un style très particulier mais il a beaucoup de qualité, c’est un vrai guerrier, il est respectueux et ne force jamais. Il est très agile et à l’aise avec beaucoup de galop, je le vois plus comme un cheval de vitesse.
L.C.B : Et tes juments alors, Pimpante et Prim ?
M.S : Avec les juments, on fait des poulains. Prim a une fille de quatre ans par Mylord Carthago, Catch Me Carthago, elle va attaquer les concours en 2016. Elle a aussi un fils par Balou du Rouet, Élan d’Amour. Il n’a qu’un an mais ça va être un très beau cheval de sport. Pour Pimpante, fille de Nabab de Rêve, j’ai également mis Balou du Rouet dessus. Du coup j’ai une petite pouliche d’un an et demi, Eemagine La !
« Je ne connais pas les limites de mes chevaux (…), ils veulent tellement bien faire ! »
L.C.B : Qu’envisages-tu pour l’avenir ? As-tu déjà tracé des plans ?
M.S : Non pas du tout, c’est impossible ! Je ne connais pas les limites de mes chevaux, ils sont intelligents et veulent tellement bien faire ! Ils sont très réguliers, Tsar sera un très bon cheval de vitesse pour les 1,35m je pense. Fioretta est toujours sans faute ou quatre points si je ne monte pas très bien. J’ai régulièrement des propositions d’achat en sortie de piste, mais je ne veux pas la vendre. Elle a un sang froid phénoménal, une générosité sans limite… Elle me donne tout ! Elle a vraiment quelque chose. Pour l’instant, on va travailler ensemble et je vais les attendre. Les poulains c’est pour assurer l’avenir, si les modèles me correspondent et que je m’entends avec eux. Je vais confier la quatre ans à un professionnel pour qu’elle soit bien débutée, mais pas très loin car je veux pouvoir garder un œil sur son évolution.
L.C.B : Tu es toujours patiente comme-ça avec tes chevaux ? Dans quel état d’esprit est-ce que tu les travailles ?
M.S : Je travaille beaucoup et j’essaie de me préparer au mieux. J’avoue être plus à l’aise lorsque les chevaux n’ont pas trop d’âge et qu’ils sont un peu verts en terme de quantité de parcours, ils sont plus « malléables ». J’ai plus de facilité à me mettre avec eux. Le plus important, c’est de travailler avec et non contre eux, éviter le conflit. Maintenant, je suis au Pôle de Deauville, indépendamment d’un cavalier. Je voulais être plus responsable, d’avantage me prendre en charge et pouvoir travailler quotidiennement. Je manque beaucoup de confiance en moi et je suis facilement perturbée par l’environnement extérieur, donc travailler toute seule me permet de me mettre dans ma bulle. Je monte pour moi, pour mes chevaux et du coup, je suis beaucoup plus relâchée, je les laisse faire avec moins de contraintes et plus de confiance.
L.C.B : Tu ne travailles pas avec un coach, un cavalier professionnel ?
M.S : Si, bien sûr. Je suis suivie par Patrick Caron. On travaille souvent par vidéos en fait. Ça me permet de cibler lorsque j’ai des doutes, il me donne les axes de travail. Je me remets toujours en question, j’essaie de tout analyser tout le temps. Nous faisons de très longs débriefings lorsque je fais un mauvais tour, mais je lui envoie aussi les vidéos de mes concours lorsqu’ils sont positifs. Ça lui permet de suivre l’évolution de mes chevaux, et de voir comment Fioretta saute divinement bien (rires).
L.C.B : Du coup, tu pars en concours toute seule ?
M.S : Patrick vient parfois. Lorsqu’il ne vient pas, je prends conseil auprès de deux-trois cavaliers pour un tracé par exemple, ou un contrat de foulée sur une ligne délicate. Je suis indépendante, mais lorsque j’ai besoin d’aide je peux toujours compter sur les pros autour de moi, au Pôle ou plus généralement en Normandie. À force, on se connaît tous dans la région et tout le monde est assez accessible et solidaire en cas de problème.
L.C.B : Quelle est la clé de la réussite selon toi ?
M.S : Le travail. Il n’y a pas de secret, il faut travailler et toujours garder la même ligne de conduite. Il faut aussi savoir saisir les bonnes opportunités, à condition de les rencontrer bien sûr. Je pense que si on se donne les moyens, on peut toujours trouver une solution. Il ne faut jamais lâcher prise. J’ai connu une période plus creuse lorsque mes chevaux ont pris de l’âge, alors pour continuer à monter et à progresser, j’ai démarché pas mal d’éleveurs. Je voulais monter des chevaux et, si possible, faire de la compétition, qu’importent l’âge ou la qualité. Après il y a tellement d’approches et de techniques différentes qu’il est important de collaborer avec plusieurs professionnels. Quand je suis arrivée chez Patrick Pistollet, ma jument s’était fait peur et ne voulait plus passer une barre au sol ! Plus personne n’avait confiance : ni eux, ni moi. C’est ma mère qui m’a poussée à y aller, elle aimait son approche. Nous avons pris le temps de bien faire les choses, dans la douceur, la progression et la patience, et tout le monde a repris confiance. Jean-Marc Nicolas m’a apporté la persévérance, la gnaque et l’envie de gagner. Travailler avec Yoann Le Vot m’a beaucoup fait évoluer sur le plat, il m’a donné des clés dont je me sers encore aujourd’hui. J’ai passé un vrai cap sur le long terme avec lui. Une approche très professionnelle où je comprenais vraiment ce que je faisais, ce qui m’a permis d’atteindre un niveau plus élevé.
L.C.B : Donc il faut travailler sans relâche, mais aussi être bien entouré ?
M.S : Oui. J’ai une chance inouïe d’avoir ma mère, qui me soutient dans absolument tout ce que je fais. À la base, ce n’est pas sa passion, mais elle s’y est intéressée et maintenant elle vit un peu ça par procuration. C’est aussi mon sponsor (rires)… Il y a Azmat, mon groom. Il s’occupe de mes chevaux tous les jours, ce qui me permet de pouvoir m’organiser pour pouvoir tout faire.
« Je me demandais ce que je pouvais faire, à part des portraits à Montmartre ! »
L.C.B : Mais justement, quel est ton parcours scolaire ? Comment as-tu réussi à combiner études supérieures et l’équitation, qui est une passion assez chronophage ?
M.S : J’ai fait un Bac ES spécialité Économie. À côté, je dessinais des portraits de mes amis pour rigoler, puis je me suis mise à faire des dessins de chevaux. J’étais un peu perdue, et les Billot m’ont poussée à faire une école de dessin. Je me demandais ce que je pouvais faire, à part des portraits à Montmartre (rires). Ma mère a fait beaucoup de recherches, puis nous avons trouvé Penninghen, une prépa en arts appliqués. Je n’avais jamais pris de cours de dessin, je faisais tout au feeling et c’est une école qui a la réputation d’être très difficile. Comme j’aime bien les défis, ça m’a attirée. À ce moment-là, je repartais tous les week-ends en Normandie pour monter à cheval. J’avais une organisation et un sérieux militaires : chaque moment, chaque créneau de libre était optimisé. J’ai été habituée très tôt à tout condenser et tout faire tout de suite car je n’ai jamais voulu faire de concessions.
L.C.B : Et tu as fait toute ta scolarité supérieure à Penninghen ?
M.S : Non. Après ma prépa, je me suis orientée vers le graphisme et la communication visuelle à l’école d’arts Maryse Eloy. En fait, j’étais très attirée par la publicité mais être cloîtrée dans un bureau avec des horaires fixes, ce n’était pas possible pour moi. L’école était assez laxiste, alors je loupais le jeudi et le vendredi et je m’échappais pour aller monter et faire du concours (rires)… Mais à côté de ça, je devais travailler la nuit pour compenser.
L.C.B : Mais ce schéma-là ne fonctionne qu’à l’école, pas au travail…
M.S : Oui ! J’appréhendais vraiment “la vraie vie“. Puis j’ai dû faire des stages… Qui ne se passaient pas forcément bien, évidemment, puisque je continuais à louper la fin de la semaine pour aller en concours. Entre temps, comme je faisais aussi de la photographie, j’ai collaboré avec Wan video où j’ai pu faire un peu de vidéo. Grâce à eux, j’ai commencé à aller sur les beaux concours, les cinq étoiles, j’ai même filmé le Grand Prix de Cannes en direct pour Eurosport, alors que je n’y connaissais rien du tout (rires) !
Après ça, ils m’ont présentée à la SHF (Société Hippique Française, ndlr.), chez qui j’ai fait mon stage de quatrième année. Je faisais les photos des concours C.I.R, huit dates partout en France. C’était génial ! Je n’étais pas enfermée dans un bureau, j’étais dans mon environnement, et les jeunes chevaux étaient un nouvel angle, ce n’était ni le haut niveau, ni les internationaux. J’ai appris beaucoup de choses, c’était passionnant, je ne voyais vraiment pas cela comme un travail.
L.C.B : C’est à ce moment-là que tu as compris que tu pouvais allier passion et profession…
M.S : Oui. À la fin de mon stage, ils m’ont proposé un poste, et là ce fut un vrai déclic pour moi. Je n’avais jamais pensé au graphisme dans les chevaux ! C’était comme une illumination, tout est évolutif, tout est possible !
L.C.B : Mais ce n’est pas pour autant que tu as accepté leur proposition…
M.S : Non. En fait, je connaissais Kevin (Staut, ndlr.). J’avais réalisé un projet de graphisme pour lui, pour son fan club à Lamotte Beuvron. Il recherchait quelqu’un pour la communication visuelle, son image, son site internet… C’était un poste sur-mesure pour moi. Il y avait même de la photo ! Du coup j’avais deux propositions, et donc un choix à faire.
L.C.B : Tu as donc choisi de travailler pour Kevin ?
M.S : Oui. Maintenant, je suis chargée de communication visuelle, graphic designer. Je fais des illustrations sur l’actualité, je fais des reportages photos et vidéos, du graphisme pur pour l’habillage de son site internet ou la charte graphique… C’est génial ! Kevin est un homme super, il est ouvert et a tellement d’idées… Quasiment plus que moi ! Les projets fusent constamment, on ne peut pas s’ennuyer. C’est un vrai plaisir.
L.C.B : Donc pour résumer, tu es graphic designer de profession, cavalière de haut niveau et éleveuse par passion ?
M.S : Oui, on peut dire ça comme-ça ! (rires)
Le cavalier bleu remercie Marie Sapin pour cette interview, et lui souhaite beaucoup de réussite dans tous ses projets.
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Interview écrite & réalisée par Andy Chansel
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